Généreuse

Patiente

Sociable

Franche

Rancunière

Un peu garce

Aliénor n'est pas très grande, mince sans être squelettique, presque une silhouette que l'on pourrait qualifier comme parfaite. Elle a de longs cheveux blonds, bouclés à souhait ou raides selon sa façon de les coiffer. Elle a un joli visage aux traits fins et subtilement occidentaux. Ses yeux sont vert d’eau, clairs, discrets et tout simplement magnifiques. Elle a une bouche coraline et un sourire qui illumine toute une pièce, du moins quand elle ne fait pas la tête -ce qui est assez fréquent. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas banale. Elle prend soin d'elle, fait attention à ce qu'elle porte. Cette façon qu’elle a de toujours rougir lorsqu’un garçon la regarde, cette innocence qui fait qu’elle ne se rend pas compte de sa beauté. La demoiselle n’est, par euphémisme, pas un cadeau. Cette jeune fille rassemble à elle seule des défauts tellement gros qu’ils en éclipsent les qualités. On pourrait même dire que Yseult n'est pas son deuxième prénom et qu'elle mériterait de se nommer Colérique. En effet, elle est extrêmement susceptible, ne supporte pas les critiques et déteste être réprimandée. Elle hurle tout le temps, ne sait pas garder son calme, passe souvent pour une vraie folle. Paradoxalement à cela, c’est quelqu’un d’assez réservé et timide lorsqu’elle ne connaît pas les gens. Elle est plus du genre discrète, solitaire. Beaucoup de personnes la caractérisent comme associable mais c’est faux ! C’est juste qu’elle n’aime pas aller vers les autres, préférant que ce soit eux qui viennent lui parler. Elle a quelques amies et ceux qui la connaissent vraiment peuvent dire que c’est une fille adorable lorsqu’elle s’y efforce. Drôle, fidèle et généreuse, elle n’hésite pas à rendre service à ceux à qui elle tient vraiment. Malheureusement, elle est aussi très rancunière et, si vous l’oubliez, vous, elle ne vous oubliera jamais, elle. Elle a aussi un autre défaut (à moins que ce ne soit une qualité ?) elle est très franche, trop même. Elle n’a pas l’habitude de mâcher ses mots et, si quelque chose ne lui plaît pas, elle vous le dira. En fait, lorsqu’on la voit de loin, avec sa petite robe blanche, resserrée à la ceinture, avec ses grands airs et ses talons bien trop hauts on se dit « ah ! Encore une petite bourgeoise ratée ! » Eh bien détrompez vous car Aliénor déteste sa famille, se passerait bien de son nom à particule et de ses ancêtres qui ont massacré trop de gens pendant la première guerre mondiale. Ce n’est pas une garce, loin de là mais c’est une fille avec un caractère bien trempé, loin de se laisser marcher sur les pieds. Pourtant, ce n’est qu’une façade. Car Ali est très peu sûre d’elle, de son physique, de ce qu’elle vaut et de ce qu’elle peut avoir.

1999, à l'orphelinat
Aliénor fête le 23 janvier 1999 ses 11 ans. Il fait froid dehors. Elle peut même apercevoir les flocons de neige qui tombent sans cesse par la fenêtre de la salle commune, le réfectoire. La neige en hiver, même en plein mois de décembre, est rare à Paris. En général, cela amuse les enfants, cela leur donne envie de faire des bonshommes de neige, de faire des batailles de boules, mais dans cet orphelinat, la joie n'est pas à son comble. Les larmes coulent sur les joues blanches de la petite Aliénor. Elle est encore jeune, et elle ne sait pas encore que la vraie vie existe vraiment. C'est le jour J. Elle savait depuis longtemps que le jour de ses 11 ans, elle quitterait cet endroit abominable. La directrice est si terrible, si dure... Son regard noir. Tout ça donne la chair de poule. Aliénor a tout prévu. La porte de service reste ouverte jusqu'à 22h. La cuisinière s'absente toujours entre 21h30 et 21h40. Le temps de s'échapper de cette prison. La demoiselle prépare alors son petit baluchon. En effet, elle n'a pas beaucoup d'affaires à elle. La directrice lui a tout confisqué. Surtout les derniers cadeaux que sa mère lui avaient faits avant de mourir. Les seuls souvenirs. Tant pis. Elle doit laisser ces objets précieux dans le bureau de la directrice. La liberté est plus importante. Personne en vue. Elle essaie d'enjamber le portail enneigé lorsqu'une voiture arrive dans l'allée. Elle retombe au sol et les phares de l'automobile l'aveuglent. Le gardien de nuit ! Trop tard, il l'a reconnue. Tout est perdu. La voilà à nouveau dans le bureau de la directrice. Elle est prête à se faire taper sur les doigts.

« Alors, comme ça, Mademoiselle Aliénor de Montmorency, vous avez essayé de vous enfuir ? Vous ne vous rendez pas compte de tout ce que je fais pour vous ! Je vous maltraite, c'est ça ? Allez, un peu de bon sens ! Je vous aguerris, voilà tout. Et cette petite escapade nocturne mérite une bonne punition. Vous serez de corvée ménage et cuisine pendant trois mois. » lance la directrice. Aliénor baisse les yeux, elle n'a pas son mot à dire.

« Regardez-moi quand je vous parle. Ce n'est pas ainsi que je vous ai éduquée, jeune fille. Un peu de tenue. »

« Oui, Mademoiselle. », répondit la jeune fille avant de tourner le dos et de sortir de la pièce. Avant de refermer la porte, elle réplique.

« Mais vous savez très bien, autant que moi, pourquoi vous faites cela. Vous ne tolérez pas qu'une fille comme moi soit éduquée comme les autres. Je suis toujours mise à l'écart. Et tout cela parce que ma famille faisait partie de la haute bourgeoisie et que la seule héritière, c'est moi. C'est injuste. »

« Comment osez-vous me parler sur ce ton ? A partir d'aujourd'hui, vous n'habitez plus ici, à l'orphelinat. »


Aliénor se retrouve alors à la rue, dans le froid, par un rude hiver. Celui de 1995, le jour de son anniversaire. Quel beau cadeau. Cela fait maintenant huit ans qu'elle n'en pas reçu. Elle n'a même pas une couverture pour s'emmitoufler, pas de nourriture pour dîner. Que va-t-elle devenir si personne ne lui vient en aide ? Elle va geler dans la neige, avec comme seule abri, le grand porche d'une église. D'une cathédrale plutôt. Ce grand édifice, si majestueux.

Recueillie par des bonnes sœurs, Aliénor poursuit son enfance à l'arrière de la Cathédrale. Elle y est heureuse, sa vie est paisible, elle se fait même des amies. Elle souhaite devenir à son tour bonne sœur lorsqu'elle aura atteint l'âge. Elle veut se donner à Dieu. C'est sa seule famille, du moins, la seule qui l'aime. Jusqu'au jour, lors d'une sortie au marché un samedi matin, elle rencontre un jeune homme, d'une dizaine d'années de plus qu'elle. Il est beau, encore jeune, élégant. Elle vient juste d'avoir ses 16 ans. C'est encore une petite fille. Elle rêve à présent d'aventure. Elle commence à présent à faire le mur, pour voir en cachette cet homme qui l'a attirée. En vérité, elle a l'air sincère, et amical. Son seul ami masculin, Yvan. Elle n'a jamais parlé à aucun garçon. Tout d'abord dans un orphelinat pour les filles puis ensuite dans un couvent. Il l'invite tous les vendredis soirs à prendre un verre dans un bar. Il est tellement gentil avec elle. Il rit, il s'amuse. Il a 27 ans mais il fait bien plus. Et toujours célibataire. Mais un soir, Yvan lui demande de rester passer la nuit avec lui. Aliénor accepte. Elle ne sait pas à quoi s'attendre. Et ça a été sa première fois. Malheureusement, la mère supérieure, s'apercevant du lit vide la jeune fille ne peut que la renvoyer du couvent. Aliénor a signé un règlement et ce n'est pas l'unique fois qu'elle est passée au travers. Elle n'a que 17 ans, elle n'est pas encore majeure. Elle n'a pas de toit où dormir. Le jour de ses 18 ans, Yvan la demande en mariage. Avec ses 11 ans de plus, il souhaite une vie stable, en couple et avoir des enfants. Ce n'est pas dans les projets de Aliénor. Elle veut attendre encore un peu mais Yvan la quitte. C'est le deuxième échec de sa vie. Elle se retrouve à nouveau seule. Et le couvent lui a fermé ses portes. Elle a dorénavant besoin de confiance en elle et décide de partir en vacances pour recommencer une nouvelle vie.